Taux d’intérêt : l’arbre qui cache la forêt
La remontée fulgurante des taux d’intérêts et de l’inflation referme la parenthèse d’une décennie de taux de financements étonnamment bas. Alors que les investisseurs s’inquiètent des effets de cette remontée sur la valeur des actifs immobiliers, les principaux défis concernent la complexité croissante du secteur et les obligations de rénovations énergétiques.
L’immobilier : votre bouclier anti-inflation habituel
En ce début Juillet 2023, le taux de rendement des obligations d’État françaises sur 10 ans dépasse les 3%. Il faut remonter plus d’une décennie en arrière (début 2012) pour retrouver de tels niveaux. Les taux de rendement sur 10 ans ont même été négatifs pendant de longues périodes entre 2019 et 2021. Il est probable que les taux d’intérêts restent élevés à moyen terme. En effet, les banques centrales utilisent les taux directeurs pour contrôler l’inflation et celle-ci reste au-dessus des niveaux attendus. Dans son communiqué du 15 Juin 2023, la Banque Centrale Européenne indique que « l’inflation ralentit, mais devrait rester trop forte pendant une trop longue période. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de son objectif de 2 % à moyen terme ». Certes, la remontée des taux d’intérêt et des taux de financement pourrait sembler préoccupante pour la valeur des actifs immobiliers. Des taux d’intérêt plus élevés augmentent la rentabilité attendue par les investisseurs et apportent une pression à la baisse sur la valeur de ces actifs. Cependant, l’immobilier d’investissement bénéficie d’une protection naturelle contre l’inflation par l’indexation des loyers prévue dans de nombreux contrats de location. En conclusion, tant que la remontée des taux d’intérêts suit le niveau d’inflation, la valeur des actifs immobiliers est théoriquement préservée.
La mise en danger de la rentabilité immobilière
Cependant, dans les années à venir, la protection que l’immobilier offre contre l’inflation pourrait être compromise pour diverses raisons. À moyen terme, la rentabilité immobilière pourrait donc être inférieure à l’inflation, voire négative pour certains actifs. Tout d’abord, l’État français a mis en place des mesures de plafonnement de l’indexation des loyers. Par exemple, l’indice des loyers commerciaux (ILC), qui sert de référence à l’évolution des loyers dans de nombreux baux commerciaux, reflète en partie le niveau d’inflation. Au premier trimestre 2023, l’ILC avait augmenté de 6.7% sur un an. Cependant, en raison du plafonnement à 3.5% de cet indice pour les révisions de loyers applicables aux petites et moyennes entreprises, peu de propriétaires seront en mesure de tabler sur une telle augmentation de leurs loyers. Cette mesure, en vigueur jusqu’au 31 Mars 2023, pourrait être prolongée jusqu’au 31 Mars 2024. Cela signifie que, pour de nombreux baux commerciaux, l’augmentation réelle des loyers sera bien inférieure à l’inflation, limitant ainsi le rôle de protection contre l’inflation de l’immobilier sous-jacent. D’autres mesures d’augmentation de la performance énergétique des bâtiments risquent d’avoir un impact encore plus significatif sur la rentabilité de nombreux actifs immobiliers. Par exemple, les logements classés G selon le diagnostic de performance énergétique seront interdits à la location à partir de 2025, suivis des logements classés F à partir de 2028 et des logements classés E à partir de 2034. Selon l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique, ces catégories E, F ou G représentent 39 % de l’ensemble des résidences principales en France au 1er Janvier 2022. Pour les bâtiments existants dont la surface d’exploitation à usage tertiaire est supérieure ou égale à 1 000 m2, le dispositif Eco Energie Tertiaire (issu du décret tertiaire), impose une réduction de la consommation d’énergie finale d’au moins 60% d’ici 2050. Une fois encore, d’importants travaux seront nécessaires pour atteindre ces objectifs. Il n’est pas exclu que ces objectifs de réduction de consommations énergétiques s’appliquent également un jour aux bâtiments de plus petite taille. En conclusion, la rentabilité des investissements immobiliers sera soumise à une pression accrue au cours des prochaines années. Être un investisseur immobilier ne se limite plus à une simple source de revenus passifs. Cette activité évolue constamment vers une profession complexe, nécessitant une expertise croissante pour faire face à des défis de plus en plus nombreux.